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seconde guerre mondiale

  • L’indicible en musique

    Il y a près de 15 ans, sortait l’incroyable, dense et terrible roman de Jonathan Littell, Les Bienveillantes. Multirécompensé, Prix Goncourt quasi indiscuté, ce récit implacable à la première personne d’un SS racontant ses années de guerre, et en particulier sa participation au génocide juif, à la Shoah par balles et aux chambres à gaz, sur fond de drame antique et de rappels mythologiques (les fameuses Bienveillantes, ces déesses de la justice et de la vengeance, mis en scène il y a plusieurs siècles par Eschyle dans Les Euménides), ce récit terrible donc fait aujourd’hui l’objet d’un opéra composé par Hèctor Parra, sur un livret en allemand de Händl Klaus.

    Avec cette commande de l’Opéra Ballet Vlaanderen suggérée par le metteur en scène Calixto Bieito, nous voilà plongés dans une création ambitieuse, baroque et puissante, ne serait-ce que parce qu’elle nous rappelle le pouvoir hypnotique et expressif – pour ne pas dire expressionniste – de la musique contemporaine. La maison de disques b•records propose ici une captation datant de mai 2019 à l’Opéra de Gand. Pourquoi une œuvre lyrique sur Les Bienveillantes et pas une adaptation cinéma ou télé ? Le livret dévoile "le désir impérieux [de Jonathan Littell] de réserver la représentation visuelle des Bienveillantes aux seuls spectacles vivants".

    Dès les premières mesures, l’auditeur se trouve entraîné dans les mots du narrateur et personnage principal, Maximilian Aue. La musique volontairement dissonante, les attaques des cordes et le récitatif musclé de Peter Trantsits lancent un opéra à la fois très actuel mais puisant dans des sources musicales classiques ou plus modernes – Bach (les mouvements Toccata, Courante, Sarabande, Gigue), Chostakovitch (la Symphonie "Babi Yar") ou Berg. La dernière partie de la Sarabande ("Ich tat es") est à cet égard éloquente. Dans le livret complet et passionnant, on pourra y trouver de la main du compositeur un plan musical de l’opéra montrant le substrat musical utilisé, de Bach à Zimmermann, en passant par Berg, Bruckner ou Chostakovitch, justement.  

    C’est du reste Alban Berg qui vient le premier en tête dès l’écoute des premières notes. Rugueux et saisissant comme le roman, l’opéra d’Hèctor Parra prend aux tripes par sa dimension universelle : "Frères humains, laissez-moi vous raconter comment c’était", débute ainsi l’œuvre en allemand (le roman a été écrit en français, la langue qu’utilise couramment le personnage après la guerre). Des ombres terrifiantes planent au-dessus de cette histoire, à l’exemple du chœur de l’Allemande I & II, "Ein Leichengebirge", puissante et quasi insoutenable évocation des exécutions par balles lors de la première phase de la Shoah dans l’Est de l’Europe. 

    Opéra exigeant, impitoyable mais aussi aux multiples influences intellectuelles et artistiques

    Mais Les Bienveillantes c’est aussi le récit personnel de Maximilian Aue où l’inceste et le crime prennent une place importante (Courante). Nous entrons là au cœur des Bienveillantes, avec ces références à la tragédie grecque, à Oreste, à Électre, aux Érinyes et aux Bienveillantes (Euménides).

    Les influences musicales et littéraires d’Hèctor Parra sont nombreuses, comme le souligne le riche livret. Il fallait un certain sang-froid pour mettre en musique et sur scène un récit aussi sombre s’étalant sur environ mille pages. Pour ce faire, le compositeur s’est nourri de sources parfois anciennes : la Passion selon s. Jean de Bach dans la structure – l’auditeur pourra penser au début de la Courante, avec le viol d’une femme pendue. On avait parlé de Berg (Wozzeck, Lulu). Le compositeur s’est aussi inspiré de chansons populaires allemandes, voire des comptines pour enfants. Le Crépuscule des Dieux de Wagner apparaît également au début de la Gigue.

    L’opéra exigeant, impitoyable mais aussi aux multiples influences intellectuelles et artistiques est exactement à l’image du personnage principal, un nazi cultivé et féru de Rameau ou Bach. Voilà qui en fait un homme complexe, "polyvalent" pour reprendre un terme du livret. Il faut toute la souplesse en même temps que la puissance du ténor Peter Tantsits pour incarner ce "frère humain" aux tourments intérieurs bien présents en raison et surtout en dépit des atrocités indicibles qu’il commet au nom d’une idéologie absurde. Une interprétation incroyable et d’une exigence absolue.

    En parcourant l’Europe en guerre, des fosses de Baby Yar à Berlin, en passant par Stalingrad et Auschwitz, Benjamin Littell, puis Hèctor Parra avec son adaptation lyrique, font des Bienveillantes une cruelle et tragique fable sur l’humanité et l’inhumanité. Les souvenirs d’enfance, les traumatismes, les frustrations et finalement la mort – celle de la mère et du beau-père de Maximilian – apparaissent comme de singuliers contrepoints tragiques mais qui viennent d’autant faire des Bienveillantes une authentique tragédie à la fois personnelle et universelle.

    Arrivé dans le dernier quart de l’opus, le Menuet entraîne l’auditeur dans le lieu le plus emblématique et le plus terrible de la Shoah, à savoir Auschwitz. C’est singulièrement sous le titre Menuet que s’ouvre cette partie, avec des violons lugubres accompagnant les plaintes d’Una (l’impeccable Rachel Harnisch) et des percussions menaçantes.

    La force de cette évocation des chambres à gaz est contrebalancée par sa brièveté, l’opéra suivant ensuite la fuite de Maximilian Aue au fur et à mesure que les troupes alliées s’avancent jusqu’en Allemagne. Hèctor Parra fait des derniers tableaux, audacieux et dans le texte et dans la musique, un voyage au bout de l’enfer où la cruauté de la guerre n’a d’égale que la perversité sexuelle de Maximilian Aue. L’opéra monstrueux ne se prive pas de bouffonnerie lorsque l’officier nazi réfugié à Berlin conte sous forme d’un long récitatif son attaque grotesque contre Hitler – il lui mord le nez !  

    Tout cela fait de l’opéra Les Bienveillantes une œuvre incroyable de puissance et d’audace, au point de heurter pas mal de sensibilités, mais toujours au service de l’humanité, de l’indicible mais aussi de la justice – s’il y en a une.  

    Hèctor Parra, Les Bienveillantes, livret de Händl Klaus
    D’après le roman de Jonathan Littell
    Orchestre Symphonique de l’Opéra Ballet de Vlaanderen dirigé par Peter Rundel
    Mise en scène de Calixto Bieito
    Chœurs de l’Opéra Ballet de Vlaanderen
    Avec Peter Tantsits, Rachel Harnisch, Günter Papendell, Natascha Petrinsky et David Alegret,
    b•records, coll. Villa Médicis Live, 2024
    https://www.b-records.fr/les-bienveillantes
    https://www.gallimard.fr/Contributeurs/Jonathan-Littell
    https://www.operaballet.be
    https://www.hectorparra.net/bio/fr

    Voir aussi : "Marie Ythier, sans l’ombre d’un doute"
    "La terreur au grand jour"

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  • Le Temps du voyage

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Le Temps du voyage. Il sera visible du 19 au 25  juin 2024. Soirée débat le lundi 24 juin à 20 heures 30.

    En 1940, le Gouvernement de Vichy ordonna l’internement de tous les "Nomades" de France. 6 500 Tziganes, pourtant de nationalité française, furent ainsi enfermés dans une trentaine de camps en France, jusqu’à la fin de la guerre. Partant de ce fait historique, ce film nous entraîne dans le présent des Tziganes aujourd’hui.

    Le Temps du voyage, documentaire français de Henri-François Imbert, 2024, 85 mn
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1455 

    Voir aussi : "Le Déserteur"

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  • Et si la France avait continué la Guerre…

    essai,uchronie,seconde guerre mondiale,jacques sapir,franck stora,loïc mahé,confrérieL’uchronie (l’exercice du « et si ?... ») peut paraître vaine. Ce genre littéraire est peu goûté en France, tant il est vrai que réécrire une période historique paraît n’être qu’une construction de l’esprit pour ne pas dire de l’imagination. Tout l’intérêt de cet essai est au contraire de refuser toute réflexion fantaisiste et de montrer que, loin du déterminisme historique, une alternative aux journées de mai-juin 1940 était possible : le gouvernement de la IIIème République pouvait refuser la défaite et poursuivre le combat dans les colonies d’Afrique du Nord. Le choix de l’armistice était une décision politique et les partisans du général de Gaulle pouvaient imposer leurs idées.

    Finalement, il s’en est fallu de peu. Si le choix de refuser la capitulation avait été décidé, les conséquences auraient été considérables : une défaite militaire française en territoire métropolitain au terme de combats qui se poursuivent jusqu’en juillet ; pas d’appel du 18 Juin mais le choix d’un "Grand Déménagement"; l’installation du gouvernement républicain à Alger avec un Général de Gaulle en ministre de la Guerre ; des combats acharnés contre l’Italie mussolinienne (le ventre mou de l’Axe) en Afrique et en Méditerranée ; une Bataille d’Angleterre réduite en intensité ; une alliance politique et militaire étroite entre la France républicaine et la Grande-Bretagne ; un Maréchal Pétain mis hors course dès le début juin (les auteurs l’imaginent même ne pas passer l’été) ; une autorité française collaborant avec l’Allemagne dirigée par Pierre Laval, mais tiraillée par des dissensions politiques au sein de l’extrême droite…

    Ce scénario alternatif, qui se termine en décembre 1940, est vraiment intéressant et particulièrement documenté (sic). Si vous êtes en plus férus de descriptions de batailles et de stratégies militaires, vous serez gâtés !

    Jacques Sapir, Franck Stora & Loïc Mahé, Et si la France avait continué la Guerre…,
    éd. Tallandier, 575 p., Le Dîner, éd. Belfond, 2011, 330 p.

    http://confrerie2010.canalblog.com/archives/2012/08/31/25006036.html
    https://www.tallandier.com/livre/1940-et-si-la-france-avait-continue-la-guerre

    Voir aussi : "Le dîner"

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  • La guerre totale

    Qu’on ne s’effraie surtout pas du pavé de cet essai. Plus de mille pages sur un sujet historique et qui a été tellement étudié, pour ne pas dire sillonné, qu’il semble être devenu un genre à part entière. Qu’est-ce qu’historien français Olivier Wieviorka peut-il apporter de neuf dans cette Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale parue il y a quelques mois aux éditions Perrin ?

    Certes, le lecteur ne trouvera pas de révélations fracassantes sur cette terrible période de six années. L’auteur balaie les différentes phases de ce conflit mondial avec le regard d’un scientifique méthodique ayant à cœur de ne pas s’arrêter longuement sur tel ou tel pays, telle ou telle bataille, tel ou tel personnage, tel ou tel aspect sombre du conflit, à l’instar de l’idéologie nazie, de la Shoah ou encore de la Collaboration en France.

    Reprenant les milliers de travaux sur la Seconde Guerre Mondiale, Olivier Wieviorka propose une synthèse qui rend cet essai aussi passionnant qu’un roman. La grande valeur de cette histoire de la Seconde Guerre Mondiale est de montrer en quoi ce conflit est marquant justement par son aspect universel. Loin de se cantonner au Reich nazi et à ses conquêtes proches, tous les fronts sont abordés, de l’Europe occidentale conquise presque entièrement – à l’exception notoire de la Grande Bretagne – au Pacifique, en passant par les batailles en Océanie, l’épouvantable sort de la Chine, sans oublier l’Afrique du Nord, la guerre sous-marine ou l’Opération Barbarossa contre la Russie communiste où l’on vit deux dictateurs, Staline et Hitler, s’affronter comme aucun autre pays auparavant, jusqu’à faire basculer la guerre du côté des Alliés.

    Dans les premières pages, sur les origines du conflit, l’historien remet l’église au milieu du village en mettant en garde contre une vision erronée qui considérait que cette "guerre inutile", comme le disait Churchill, avait été provoquée par l’après Première Guerre Mondiale, des "bourdes diplomatiques" et un Traité de Versailles si humiliant qu’il rendait un futur conflit avec l’Allemagne  inévitable. Olivier Wieviorka ne se leurre pas : "Le rôle joué par Adolf Hitler d’abord, par les dirigeants japonais ensuite, suffit à les désigner comme les principaux fauteurs d’un conflit" dont personne ne voulait et que les démocraties occidentales ont tenté d’empêcher. 

    "Le rôle joué par Adolf Hitler d’abord, par les dirigeants japonais ensuite, suffit à les désigner comme les principaux fauteurs d’un conflit

    Les presque trente chapitres qui suivent reprennent le cours d’un conflit qui, depuis l’Europe, s’est propagé en moins de deux ans, en guerre total, à la différence de la Grande Guerre. Total comme le totalitarisme de deux des protagonistes – Hitler et Staline. Total aussi comme le parti-pris d’Olivier Wieviorka d’aborder tous les aspects de cette période terrible : stratégiques, militaires, diplomatiques, idéologiques, sociales ou économiques.

    Un large focus est fait sur une bataille devenue légendaire : celle du Débarquement et de la Bataille de Normandie. Mais l’auteur n’oublie pas ces autres événements peu connus, et pourtant sans doute aussi importants que l’opération Overlord : la Bataille de Koursk en 1943, avec son armada de chars et "les effectifs les plus considérables" du conflit. Sans oublier non plus Bagration, le pendant du Débarquement en Europe Orientale qui va être déterminant dans la victoire alliée.

    La Shoah est traitée, bien évidemment, mais ni plus ni moins que les sujets militaires. Le lecteur découvrira par contre le sort fait à Varsovie lors et après son insurrection civile, alors que l’Armée Rouge est aux portes de la capitale polonaise. Olivier Wieviorka explique pourquoi Staline n’a pas épaulé la Résistance polonaise – pour des raisons bassement politiques – et a laissé envoyer à la mort près de 150 000 civils.  

    Le lecteur français découvrira sans doute les grands faits d’armes des batailles dans le Pacifique entre les États-Unis et le Japon, avec comme aboutissement les deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki puis l’armistice mettant fin au conflit total. Sur les deux explosions nucléaires, l’historien s’interroge sur la portée stratégique de ces deux explosions. Et si ce n’était pas elles qui avaient précipité la chute de l’Empire japonais ?  

    Après un bilan du conflit le plus meurtrier de l’Histoire – 60 à 70 millions de morts, des peuples et des pays dévastés, des civils durement frappés et des économies exsangues – Olivier Wieviorka parle des conséquences incalculables de cette guerre sur le long-terme. Ce qui ne veut pas dire que toutes les leçons ont été tirés des atrocités commises : "La fumée des crématoires d’Auschwitz n’a rien prémuni le monde contre les crimes à venir".

    Olivier Wieviorka, Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale,
    éd. Perrin, Ministère des Armées, 2023, 1072 p.

    https://www.lisez.com/livre-grand-format/histoire-totale-de-la-seconde-guerre-mondiale

    Voir aussi : "La guerre en couleurs"
    "Un Churchill costaud et massif"

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  • La guerre en couleurs

    Pourquoi regarder 39-45, L’humanité en guerre, cette série documentaire anglaise sur Netflix ? Voilà un sujet qui a été abondamment traité, que ce soit en essais, en romans, en films, en séries ou en documentaires. 39-45, L’humanité en guerre est précisément une série documentaire en six épisodes de 45 minutes. Trop peu, sans doute, pour balayer un conflit s’étalant sur six années et se déroulant sur tous les continents du monde, au contraire de la Grande Guerre, concentrée principalement en Europe, mais au format "série" qui rend ce documentaire passionnant et que les collégiens et lycéens sont invités à regarder de toute urgence. 

    Le principal argument de la série Netflix est de proposer des archives colorisées, pour beaucoup rares et inédites. Rob Coldstream a pris le parti de parler du conflit au plus près des hommes, des femmes et des enfants qui ont vécu la guerre dans leur chair, soit en tant que soldats, soit en tant que civils victimes innocentes. Cela fait depuis longtemps que la colorisation de films à l’origine en noir et blanc n’est plus un réel sujet polémique. Pourquoi ne pas se priver de cette technique moderne afin de rendre les images plus actuelles, plus marquantes et susciter la compassion ? 

    Immersif

    Le créateur anglais entend faire de sa série quelque chose d’"immersif", prenant le parti pris de de montages rythmés dans lesquels témoignages oraux et images d’archives sont montés de manière habile, même si le plus souvent sons et extraits vidéos ne correspondent pas strico-sensu. Un véritable choix artistique qui fait le pari du rythme et de l’immersion, donc.

    Spectaculaire, la série l’est, assurément grâce sa voix off efficace (Diouc Koma, le doubleur de l'acteur John Boyega, alias Finn de la saga Star Wars). La série est également importante en ce qu’elle balaye toutes les zones géographiques touchées par le conflit entre Alliés et Axe : le Japon, la Chine, l’Océanie ou l’Afrique, en plus de l’Europe. Faute d’images d’actualité, la Shoah est surtout abordée dans le contexte de la libération des camps, avec des images peu colorisés, afin de ne pas faire de cette horreur quelque chose de spectaculaire.

    Bientôt je vous parlerai de nouveau de la seconde guerre mondiale, mais cette fois dans l’angle d’un essai aussi volumineux que capital.

    39-45, L’humanité en guerre, série documentaire anglais de Rob Coldstream, 2023
    https://www.netflix.com/fr/title/81303911
     
    Voir aussi : "Anne et Hannah"

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  • La Zone d’intérêt

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film La Zone d’intérêt. Il sera visible du 15 au 20 février 2024. Soirée débat le lundi 20 février à 20h30.

    Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.

    La Zone d’intérêt, drame américain  de Jonathan Glazer
    avec Christian Friedel, Sandra Hüller, Johann Karthaus, 2024, 106 mn
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1417

    Voir aussi : "La Rivière"

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  • De l’or pour le brave

    Partons à la découverte d’un petit film de série B venu tout droit de Finlande (même s’il a été produit en partie aux Etats-Unis). Sisu, car c’est de lui qu’il s’agit, est sous-titré "De l’or et du sang", des termes qui vont un gant à ce long-métrage d’action ne lésinant pas sur l’hémoglobine.

    Les premières images sont un peu trompeuses. Car si le cadre de Sisu est la Finlande en 1944, pays pris en tenaille entre l’URSS communiste et l’Allemagne nazie, l’histoire laisse vite de côté la géostratégie militaire pour s’arrêter sur un chercheur d’or, ancien militaire pour le moins rustre, tombant nez à nez avec une troupe de soldats du IIIe Reich.

    Les sbires d’Hitler vont regretter – du moins ceux qui survivront suffisamment longtemps – d’être tombés sur cet homme solitaire prêt à tout pour défendre son or.

    C’est du côté d’Inglorious Basterds et de Tarantino qu’il faut aller chercher les références de ce petit film européen

    C’est du côté d’Inglorious Basterds et de Tarantino qu’il faut aller chercher les références de ce petit film européen bâti sur un scénario tenant sur une page à peine. Il n’y a quasiment pas de dialogue et le fil conducteur est la survie d’un homme dans une région à feu et à sang. Au passage, notre "poor lonesome gold digger" va tomber sur des captives de la Laponie, utilisées comme objets sexuels par des soldats allemands dont la cruauté va être punie à sa juste mesure.

    Dans un paysage désertique, notre héros, rustre, taiseux et sachant se servir aussi bien d’un fusil, d’un couteau que d’une pioche, incarne moins l’esprit de résistance – un rôle plus dévolu aux prisonnières dans la scène de la poursuite en camion – que la nature brute, la solitude et l'appât du gain.

    Le sang coule à flot dans Sisu, non sans humour noir. C’est tellement énorme que cela en devient surréaliste, à l’instar du premier Kill Bill. Un vrai film de série B, disions-nous, qui se regarde non sans plaisir. Et avec curiosité. 

    Sisu, de l'or et du sang, film d’action historique finnois et américain de Jalmari Helander,
    avec Jorma Tommila et Aksel Hennie, 2022, 91 mn, Canal+ 

    https://www.canalplus.com/cinema/sisu-de-l-or-et-du-sang/h/22549177_40099

    Voir aussi : "OTAN, O mœurs"
    "Flukt, alors !"

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  • Guerres et paix

    Roman ? Récit ? Chronique familiale ? Qui que vous soyez, ouvrez ! De Tatiana Pécastaing (paru chez LC Editions) est un peu tout cela à la fois, au point de désarçonner le lecteur dès les premières pages, lorsque la découverte d’une mystérieuse lettre (avec l’énigmatique phrase "Qui que vous soyez, ouvrez !" inscrite sur l’enveloppe) nous fait passer du Kiev soviétique de 1968 à la Russie tsariste de 1912. Cette fameuse lettre aura son explication bien plus tard dans le roman.

    Tatiana Pécastaing suit deux familles, celles précisément de deux de ses grands-parents. Il y a, d’un côté, Gustave, né en Ukraine. Son père était un opposant au régime tsariste, au point de s’approcher d’une organisation terroriste révolutionnaire menée par Alexandre Oulianov, frère de Lénine, arrêté et exécuté après une tentative d’assassinat contre le tsar Alexandre II. Le père de Gustave, Mikaël, est arrêté puis relâché, obligé de se faire discret. Or, c’est le régime tsariste que soutient son fils Gustave, à telle enseigne que lorsque la Révolution de 1917 éclate, le jeune homme s’engage auprès de l’Armée Blanche antibolchévique. En 1924, Gustave s’exile en France, abandonnant en Ukraine sa famille, et en particulier ses sœurs.

    D’un autre côté, il y a Ludmilla, issue d’une famille de Stalingrad, au sud de la Russie, famille victime de la soviétisation du pays, puis de la seconde guerre mondiale. Lorsque le conflit éclate, Ludmilla et ses proches se sont installés à Rostov-sur-le-Don. L’occupation allemande conduit la jeune femme au travail forcé en Allemagne. Libérée à la fin de la guerre, l’ancienne prisonnière de guerre ne peut que craindre son retour en URSS. Or, elle a rencontré un Français au cours de sa captivité. Elle le rejoint donc à Paris. Entre-temps, Gustave s’est marié à une Française et a même des enfants. Les deux anciens exilés se croisent en 1945 dans un village du sud-ouest. Il reste cependant leurs familles respectives restées en Ukraine et en Russie. 

    L’histoire – la grande – à hauteur d’hommes et de femmes

    L’histoire – la grande – à hauteur d’hommes et de femmes : voilà quel est l’atout essentiel du récit romancé de Tatiana Pécastaing. En dévoilant l’histoire vraie de ses grands-parents, nés en Ukraine et en Russie, elle nous entraîne dans les tourbillons d’un XXe siècle dominé par deux guerres mondiales et par deux totalitarismes aussi impitoyables l’un que l’autre.

    De Kiev au village de Saint-Martin-de-Seignanx, en passant par Moscou, Stalingrad, Sprockhövel au nord-ouest de l’Allemagne ou Paris : la destinée familiale de deux exilés, l’un ukrainien et l’autre russe, mérite d’être lue et découverte.

    Là où le récit devient incroyable et bouleversant est lorsque Gustave et Ludmilla font le voyage retour en pleine Guerre Froide pour retrouver leurs proches – ou ceux qui restent car les guerres auront été impitoyables. Les retrouvailles de Gustave, après son installation en France et une vie paisible avec une grande et belle famille, sont contées avec un grand souffle romanesque, en particulier lorsque l’auteure raccroche les wagons avec cette mystérieuse lettre du premier chapitre.

    Publié cette année, soit un an tout juste après le décès de Ludmila, Qui que vous soyez, ouvrez ! a une portée particulière. Le lecteur ne peut qu’avoir en tête la guerre en Ukraine, déclenchée en février 2022 par une Russie lorgnant vers son passé d’empire tsariste puis soviétique. Comme le rappelle Tatiana Pécastaing en préambule, les relations entre les deux pays ont été liés depuis des siècles. Raconter la fondation d’une famille aux origines russo-ukrainiennes en France a tout son sens, et prend une valeur humaine dont il est impossible de rester indifférent.   

    Tatiana Pécastaing, Qui que vous soyez, ouvrez !, LC Editions, 2023, 402 p.
    https://editionslc.fr/produit/qui-que-vous-soyez-ouvrez

    Voir aussi : "Désir ou amour, tu le sauras un jour"

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